Ah, tu veux une histoire de chantier, hein! Laisse-moi te raconter ça comme si j’étais là, en train de scier du bois sous les conifères avec mes vieux outils. Dans le temps, au début de la colonisation, disons dans les années 1600 par chez nous, l’exploitation forestière, c’était pas de la tarte, et les gars n’avaient pas nos belles scies à chaîne modernes, oh non! Fallait y aller avec l’huile de bras et beaucoup de sueur.
La Vie des Bûcherons de la Nouvelle-France
Les premiers colons arrivaient d’Europe, pis croyaient que les forêts du Québec, c’était comme des champs de navets infinis. Y’avait de l’arbre pour des milles et des milles, droit et fier comme un pin. Mais avant d’en couper un pour les constructions, fallait d’abord en faire une clairière, un espace assez grand pour poser un pied d’terre, comme ils disaient. La forêt était si dense qu’elle bouffait presque la lumière, pis c’était pas rare que les gars voient pas plus loin que la longueur d’une bonne bûche.
Les bûcherons, eux, c’était des solides, des gaillards habitués à la sueur et à la bouette. Ils avaient des haches en fer forgé qu’ils affûtaient souvent – parce que, voyons donc, une hache mal aiguisée, c’est comme un castor sans dents, ça fait pas long feu dans le bois! Pis des scies passe-partout, les grandes, avec des poignées aux deux bouts, qu’on tirait à deux pour abattre les gros troncs. C’était du travail d’équipe, parce que si tu tirais pas en rythme avec ton partner, la scie coinçait dans le bois, pis ça virait en bataille de bras de fer.
La Technique d’Abattage : Du Savoir-Faire Ancestral
C’est pas tout de vouloir couper, encore faut-il savoir comment faire. Le bûcheron du temps savait où pis comment entailler l’arbre pour qu’il tombe du bon côté. Y’avait une technique bien rodée : d’abord, fallait faire une grande entaille en forme de V du côté où tu voulais que l’arbre tombe. Une fois la première entaille faite, tu repassais de l’autre côté, pis là, c’était le moment de scier. Le bois craquait souvent avant de céder, comme un coup de tonnerre, pis ça, c’était le signal pour reculer en vitesse si tu tenais à garder tous tes membres en place.
Les accidents étaient courants, faut pas se le cacher. Les gars avaient pas de casques, pis encore moins de bottes de sécurité, juste des bonnets en laine et des bottes en cuir. Y’en a qui prenaient ça un peu pour des protections magiques, ces bonnets-là, pis disons qu’une bonne étoffe de laine, ça valait son pesant d’or. Un tronc mal dirigé ou une branche qui se détachait pouvaient te renvoyer au village les deux jambes en compote, quand c’était pas pire…
Quand un arbre tombait, les bûcherons lui accordaient un respect presque solennel. C’était comme une cérémonie, parce que dans leur esprit, abattre un arbre, c’était retirer une part de la forêt qui leur donnait tout, leur travail, leur abri. « T’abats pas un arbre comme tu cueilles une branche », disait toujours le vieux Jean-Roch, un bûcheron qui en avait vu des tempêtes et des ours dans sa vie. « Si tu le fais pas avec respect, la forêt va te le faire payer un jour. »
L’Art du Transport : La Drave et la Rivière
Quand y’avait une rivière proche, là, c’était le gros show! Les arbres coupés étaient charriés en bas de la pente, jusque dans le cours d’eau le plus proche. C’était le début de la drave, un autre métier en soi, aussi risqué que la coupe. Les gars des rivières, eux, étaient un peu les cowboys du Nord. Ils sautaient d’un billot à l’autre, armés de longues perches pour débloquer les troncs qui se coinçaient. Le mot d’ordre, c’était « sois rapide, ou mouille-toi », parce que si tu perdais pied, t’avais les deux bottes trempées avant d’avoir eu le temps de dire « maudite rivière! ».
À l’arrivée du printemps, avec la fonte des neiges, les rivières gonflaient et faisaient rouler des dizaines, des centaines de billots d’un coup. Les draveurs suivaient cette vague de bois, parfois sur des kilomètres, jusqu’aux moulins à scie plus bas, là où les arbres allaient se transformer en planches prêtes pour les charpentes et les maisons. Mais avant d’arriver là, les troncs faisaient des embouteillages en pleine rivière, et les gars travaillaient jour et nuit pour éviter que tout se coince.
Un vieux draveur, Armand le Barbu, racontait souvent qu’il avait survécu à une « montagne de billots » haute comme trois cabanes empilées, qui s’était effondrée d’un coup en bloquant la rivière. « J’avais mon bâton, pis juste assez de chance pour pas finir comme du bois de chauffage », disait-il en riant. « Faut avoir le pied léger, mais aussi un peu de la protection de l’esprit des bois. »
La Vie en Chantier : Les Hivers au Fond des Bois
Pour l’hiver, les bûcherons se retiraient dans des campements en bois rond, ce qu’on appelait les « chantiers ». Les gars vivaient là, isolés, souvent plusieurs mois sans voir autre chose que des arbres et des feux de camp. Y’avait toujours un cuisinier dans le lot, parce que la bouffe, c’était essentiel pour tenir le coup. Imagine-toi donc que les repas consistaient souvent en fèves au lard, pain de ménage, et si t’étais chanceux, un peu de viande salée. Les gars mangeaient jusqu’à plus faim, parce qu’un bûcheron, ça brûle des calories plus vite qu’un feu dans une cabane en bois.
Les soirées, une fois la journée finie, les gars se rassemblaient autour du poêle pour se réchauffer. Ils racontaient des histoires, souvent des légendes de la forêt ou des histoires d’ours plus gros qu’un cheval. Ils riaient, se chamaillaient, mais c’était aussi un moment de solidarité. Le bois, ça se travaille mieux quand t’as des amis avec toi. « Dans la forêt, t’es jamais vraiment seul », disait-on. On pouvait entendre les loups parfois, au loin, ou le bruit d’une branche qui casse, et c’était comme si la forêt elle-même veillait sur eux.
Le Retour au Village : Fiers et Fatigués
Quand le printemps arrivait, les gars rangeaient leurs haches, nettoyaient leurs scies, et retournaient au village. Ils rapportaient pas grand-chose dans leurs sacs, mais ils revenaient avec des souvenirs, des histoires, pis une force de caractère que peu de monde au village pouvait comprendre. Leurs familles les attendaient, avec des repas chauds, des rires, et quelques larmes aussi. Parce qu’il arrivait que certains gars ne reviennent pas, emportés par un accident de bois ou une maladie attrapée dans les camps.
Le bois coupé durant l’hiver était précieux, utilisé pour les maisons, les bateaux, et même pour chauffer les maisons du village. Les bûcherons étaient respectés, car ils ramenaient avec eux une part de la forêt, une richesse brute transformée en avenir pour toute la communauté. C’était leur contribution, leur offrande presque, à ceux qui vivaient dans le confort de la vallée.
Pis, si tu me demandes comment on faisait pour survivre à ces hivers-là, je te dirais que c’est simple, mon chum : « dans le bois, faut juste être plus entêté que la neige pis plus dur que le froid! »